Nous allons voir comment l’ontologie et l’épistémologie sont au cœur de la recherche à travers la distinction mais aussi l’interconnexion pouvant exister entre différents concepts liés à un travail de recherche.
En effet, nous allons, d’une part, déterminer la distinction entre le titre, le thème, le sujet de recherche, mais aussi la problématique, la question de recherche, l’objet de recherche, l’ontologie et l’épistémologie, sans oublier la méthodologie et la méthode.
Enfin, nous étudierons la structure d’un écrit suivant les deux paradigmes d’une recherche.
Le titre d’une recherche
Le titre doit être défini à la fin d’une étude, attendu qu’il reprend les différents concepts et probablement quelques éléments méthodologiques.
En conséquence, je pense que vous ne devez pas perdre de temps à chercher un titre à votre recherche au début de celle-ci.
Le thème d’une recherche
Toutefois, vous devez avoir un thème de départ, et une thématique de départ.
Mais qu’est-ce qu’un thème ? Par exemple, dans le domaine de la psychologie, l’autisme, les thérapies alternatives… sont des thèmes de recherche. Ces thèmes de recherche sont très larges, très généraux et ne constituent pas encore ce que l’on va appeler un sujet de recherche.
En effet, le sujet de recherche est plus spécifique que le thème plus particulier au sens où il est plus précis et permet donc d’orienter la direction du travail de recherche. Il contient donc une formulation plus longue que celle du thème de recherche.
Par exemple, en psychologie ou en médecine, l’énoncé « La qualité de vie dans le cancer colorectal des patients suivant une chimiothérapie » peut être considéré comme un sujet de recherche. Vous voyez qu’il est plus précis que le thème, et contient plus d’éléments. D’ailleurs, si nous devions insérer tous les mots-clés dans une base de données, nous obtiendrions, en principe, moins de résultats que si nous y avions inséré « Cancer colorectal » qui pourrait être la thématique de ce sujet.
C’est ainsi qu’apparaît clairement la nuance entre une thématique et un sujet de recherche. L’entonnoir doit vous permettre de visualiser cet effort consistant à aller du général (le thème) vers le particulier (le sujet).
Je vous invite à lire l’article intitulé « 6 conseils pour trouver un bon sujet de recherche ».
La problématique d’une recherche
Toutefois, lorsque vous n’êtes pas encore en bas de l’entonnoir, vous devez, à partir de la littérature explorée, dégager ce que l’on appelle la problématique de votre recherche.
Cette fameuse problématique fait peur à presque tous les étudiants et doctorants qui se demandent comme ils vont pouvoir la trouver.
Pour y parvenir, il faut d’abord se poser la question : qu’est-ce qu’une problématique de recherche ?
« La problématique de recherche représente l’élaboration et la description d’un problème de recherche constaté dans la littérature (ou sur un terrain d’étude). Ce qui, dans un second temps, aboutit à une synthèse de ce dernier, formulée sous la forme d’une question de recherche et d’une hypothèse théorique qui en découle. »
Il s’agit donc d’un rétrécissement du sujet d’étude qui a été retravaillé et exploré à travers des recherches et des synthèses de la littérature.
Généralement, tout part du constat selon lequel certains angles précis relatifs à un sujet, sont identifiés par l’étudiant ou par d’autres chercheurs, comme nécessitant de faire l’objet de nouveaux travaux de recherche. Il s’agit donc de construire ici ce que l’on appelle l’objet de la recherche.
L’objet de recherche
Cet objet de la recherche est une construction abstraite de la réalité qui est menée par le chercheur.
Cela passe souvent par le choix d’un cadre théorique qui va permettre de construire l’objet de la recherche en posant d’abord la question de recherche.
Le fait d’apporter une résolution à cette problématique doit avoir pour finalité d’apporter plus de connaissances au champ disciplinaire concerné, même modestement.
Si la problématique (accompagnée de la question de recherche et/ou des hypothèses de recherche) vous a permis d’objectiver la recherche que vous souhaitez mener, par la suite, il va s’agir de vraiment opérationnaliser votre recherche à travers ce que l’on nomme : la partie « Méthode ».
La méthode et les paradigmes de recherche
En effet, la méthode doit découler naturellement de votre problématique de recherche. Toutefois, un certain nombre de questions doivent être posées et il est souvent nécessaire de s’interroger sur la posture ontologique et épistémologique que l’on va adopter dans sa propre recherche.
Dans la recherche, on dit souvent qu’il existe deux paradigmes, deux courants dominants à un moment donné :
- Le 1er paradigme sert au « comblement dans le manque des connaissances » ;
- Le second sert de « résolution à un problème ou à une démarche exploratoire ».
Dans la démarche consistant à combler les connaissances, les chercheurs sont très académiques et donc très théoriques : ils vont lire des articles de revues et identifier un manque dans la littérature existante (knowledge gap). Puis ils vont développer leur recherche.
C’est ce que j’ai décrit dans l’article de blog qui s’intitule : « Comment trouver une problématique de recherche ? » Article que je vous invite à consulter pour trouver une problématique à partir d’un knowledge gap, un trou dans la connaissance, que l’on peut identifier notamment dans la littérature.
Dans la démarche consistant à explorer ou à résoudre un problème de recherche, les chercheurs sont souvent moins académiques, et souvent moins scientifiques, car ils recherchent moins l’objectivité que dans le cadre de la démarche précédente (visant à combler les connaissances).
Inversement, ici, il va s’agir de résoudre un problème particulier, à un endroit donné. L’objectif ne sera pas de généraliser les résultats même si parfois il peut y avoir des tentatives de généralisation.
Enfin, tout ce qui concerne l’exploration d’un problème, prend naissance dans le cadre d’une démarche dite « exploratoire » où, là aussi, il ne doit pas y avoir de tentative de généralisation – le but étant de mieux comprendre un phénomène en l’explorant puis en le décrivant.
Notons que l’on peut considérer qu’il existe un continuum entre le fait de combler un manque dans la connaissance et le fait de résoudre un problème. Sur cette ligne marquant le continuum, le chercheur va se situer soit au plus près du comblement de manque de connaissance dans la littérature, soit au plus près de la résolution de problème/démarche exploratoire.
L’ontologie de la recherche
Abordons à présent la question de l’ontologie.
L’ontologie se définit de manière générale, comme l’étude de ce que signifie le mot « être ». Et au-delà, dans le sens à donner à « la réalité ».
Pouvons-nous penser qu’il n’existe qu’une seule réalité ou plusieurs, voire un nombre incalculable de réalité ?
En fonction des deux paradigmes de recherche susmentionnés, nous allons voir quelle est la nature de la réalité et donc, quelle est l’ontologie propre à ces deux paradigmes.
Dans le paradigme du « Comblement d’un manque de connaissances », nous pouvons qualifier l’ontologie de positiviste et d’objectiviste. En effet, la réalité y est unique et externe à nous, car on ne peut pas l’évaluer directement -, la réalité étant indépendante des observateurs qui la décrivent.
Dans cette optique, les chercheurs peuvent se poser la question « Y a-t-il une relation entre ces deux concepts, entre ceux deux variables ? »
Pour répondre à cette question, l’on va étudier les relations entre différents concepts (on appelle cela une recherche causale, mais le plus souvent cela reste une approche corrélationnelle).
Dans l’optique de ce paradigme, il ne peut y avoir qu’une seule réalité. Par exemple, lorsque l’on mène une expérience scientifique selon une étude randomisée et contrôlée, les résultats sont significatifs ou ils ne le sont pas. Donc il ne peut y avoir qu’une seule réalité dans le « comblement d’un manque de connaissances ».
En revanche, lorsqu’il s’agit de « résoudre/explorer un problème », il n’y a pas de réalité unique. Il s’agit de comprendre et de prendre en compte le contexte, les personnes. Il s’agit aussi de décrire ce qui est observé. Raison pour laquelle, l’on est, ici, dans le cadre d’une recherche descriptive ou d’une recherche qualitative.
Selon cette approche, la réalité est construite dans le contexte étudié (on parle d’approche constructionniste ou constructiviste) car différents contextes produisent différentes réalités. Selon cette approche, il ne peut donc pas y avoir de réalité unique.
L’épistémologie de la recherche
Abordons maintenant la question de l’épistémologie qui en découle.
En effet, l’épistémologie est dirigée et va découler des croyances ontologiques du chercheur.
L’épistémologie, c’est comment l’on acquiert les connaissances, comment on sait ce que l’on sait, quelle est la théorie permettant d’acquérir la connaissance.
Dans le comblement de connaissance, l’épistémologie est dite empiriste. Il s’agit d’une théorie d’après laquelle toutes nos connaissances viendraient de l’expérience. Ainsi, une telle approche va-t-elle entraîner l’utilisation d’une méthodologie et d’une méthode en rapport avec l’emploi d’un questionnaire, ou la passation de tests et la réalisation de statistiques.
Dans la résolution/exploration de problème, l’épistémologie est dite « interprétative » au sens où la construction des connaissances et des théories relève de l’interprétation des chercheurs – notamment grâce à l’analyse qualitative.
Partant de là et comme vous devez vous en douter, la méthodologie et les méthodes vont découler des croyances ontologiques et épistémologiques des chercheurs.
Différence entre « méthode de recherche » et « méthodologie de recherche »
Il est vrai que nous avons tendance à utiliser de manière indistincte les expressions « méthode de recherche » et « méthodologie de recherche ». Pourtant, il existe une réelle différence entre les deux.
1) Les méthodologies de recherche
Les méthodologies de recherche sont donc des approches philosophiques et théoriques permettant de découvrir les savoirs et qui sont « conduites » par les croyances ontologiques et épistémologiques du chercheur.
Plus précisément, une méthodologie de recherche représente la science, la philosophie des méthodes et donc la théorie qui se trouve présente derrière une ou plusieurs méthodes. Il s’agit de connaître la raison pour laquelle on va utiliser telle ou telle méthode.
J’aurai l’occasion d’y revenir, mais chaque chercheur de par sa formation reçue, possède des croyances au sujet de la nature de la réalité observée et de la manière dont on peut acquérir les connaissances.
Quelques exemples de méthodologies de recherche : la théorie ancrée (grounded theory), la phénoménologie… Ce sont des méthodologies de recherche, car elles relèvent d’un courant de pensée théorique et spécifique qui va orienter le chercheur dans sa méthode.
2) Les méthodes de recherche
Une méthode de recherche suit une procédure, un process, des stades par lesquels il faut passer impérativement de manière opérationnelle. Des méthodes de recherche peuvent prendre la forme, par exemple, d’entretiens, de questionnaires, de travaux d’observation, etc. Ce ne sont finalement que des outils permettant de recueillir des données.
En résumé, demandez-vous si ce que vous décrivez concerne plutôt la manière dont vous allez recueillir les données (dans ce cas, il s’agira d’une/de méthodes de recherche). Ou si cela concerne une stratégie plus large permettant d’aborder votre recherche (dans ce cas, il s’agira d’une méthodologie de recherche).
Enfin, il faut comprendre qu’avec une méthodologie, vous pouvez utiliser différentes méthodes pour répondre à vos questions de recherche et/ou tester vos hypothèses.
Mais vous l’avez compris, chaque méthodologie a ses méthodes particulières et il doit y avoir une cohérence entre la méthodologie et les méthodes que vous allez utiliser.
Quelle structure (forme et plan) adopter suivant le type de paradigme ?
Nous allons aborder la structure ou la forme que doit prendre un écrit suivant le type de paradigme. En effet, la forme va varier suivant le type d’études que vous souhaitez mener et les parties qui la composent auront plus ou moins de poids et d’importance dans l’écrit final.
1) Structure dans le paradigme du « comblement des connaissances »
Dans cette optique, comme la recherche sera quantitative, votre recherche doit contenir :
- Une introduction ;
- Une revue de la littérature parce que le but est de combler un manque dans la littérature. Si l’on ne sait pas identifier un manque ou si cela a déjà été étudié, pourquoi mener une telle recherche ? Dans ce type de recherche, la revue de la littérature est la partie la plus importante avec la problématique et la discussion.
- De cette revue de la littérature, on va extraire une problématique de recherche (un knowledge gap) et développer un modèle d’analyse, un modèle conceptuel où l’on va tester des hypothèses. En effet, il n’est pas possible de mesurer les concepts dans sa tête, on ne peut pas dire « je pense que… » Il faut donc tester les hypothèses de manière empirique.
- L’élaboration de la partie « Méthode » ;
- La collecte de données (par exemple, on va créer un questionnaire et l’administrer) ;
- L’analyse des données ;
- La discussion des résultats.
2) Structure dans le cadre du paradigme consistant à « résoudre/explorer un problème »
La démarche devrait être qualitative et votre document devrait contenir :
- Une introduction ;
- Les buts et objectifs de recherche (c’est vraiment le plus important) ;
- La question de recherche ;
- La méthodologie/méthode de recherche ;
- La revue de littérature (moins importante que pour les études quantitatives) ;
- La collecte de données ;
- L’analyse de données ;
- La discussion des résultats ;
- La validation qui consiste à apporter le maximum de validité à la recherche qualitative. Cette validation peut prendre différentes formes : par exemple, vous pouvez revenir auprès de certains sujets ayant répondu à un questionnaire, leur soumettre les résultats de l’analyse qualitative pour voir si celle-ci correspond à leurs réponses. Pour valider les résultats d’une recherche, il est possible d’utiliser un autre échantillon, d’autres cas, de faire analyser les données par d’autres chercheurs ou avec d’autres chercheurs pour trouver un consensus… etc.
J’aurai l’occasion de revenir sur ce processus de validation des études descriptives et des études qualitatives. Sachez toutefois qu’il n’y a pas besoin de phase de validation dans les études quantitatives.
Conclusion
Pour conclure, je dirais qu’il faut être « consistant » et « solide » dans sa philosophie, pour réaliser une bonne recherche.
Je vous invite à lire mon nouvel article « Comment utiliser les méthodes mixtes en recherche » où je montre comment les approches quantitatives et les approches qualitatives peuvent se rejoindre dans le cadre d’une approche dite « pragmatique » et que l’on appelle aussi « Recherche par les méthodes mixtes » (mixed methods research).
Précision importante : peut-être ce que je vous ai expliqué ci-dessous, vous donne-t-il l’impression que ces phases au cours desquelles se déterminent paradigme, méthodologie et méthodes sont linéaires. Pareils à des process par lesquels le chercheur devrait passer systématiquement et successivement.
Or, il n’en est rien !
En effet, même s’il parait évident qu’avoir un sujet de départ permet de se lancer dans sa recherche, une approche plus « globaliste » permet d’entrer dans une recherche, par « différentes portes d’entré », en commençant par différents points de départ possibles. Cela permet de construire sa recherche de manière plus élargie. C’est ce que nous verrons à travers la présentation du canevas d’une recherche : le « Research Design Canvas » proposé par Ben Ellway.
ATTENTION – MISE EN GARDE
Tous les conseils et les indications que je donne dans cet article sont valables pour un mémoire (ou pour une thèse) mais il faut vous référer principalement aux consignes spécifiques qui vous ont été données par vos directeurs de mémoire ou de thèse.
En effet, vos directeurs ont des attentes spécifiques (sur le fond et sur la forme) et je ne pourrais en aucun cas être tenu pour responsable si dans vos écrits vous ne respectiez pas les attentes spécifiques de vos enseignants. Merci de cette précaution.
J vous invite à recevoir gratuitement le bonus : « Les 7 clés indispensables pour réussir brillamment votre mémoire de recherche ou votre thèse » (formulaire ci-dessous).
Laissez-moi un commentaire ci-dessous et/ou posez-moi des questions pour avoir plus de précisions. Enfin, n’hésitez pas à partager et à liker cet article si vous l’avez trouvé intéressant et/ou si vous pensez qu’il peut être utile à d’autres personnes.
Je vous dis à très bientôt,
Christophe COUSI
10 Comments
Merci pour nous avoir facilité la compréhension des fondements philosophiques de la recherche en des termes simples. Vous avez parlé de deux courants opposés et mêmes « extrêmes » (positivisme et constructivisme) et de leurs implication dans la démarche de recherche. Mais un(des) courant(s) intermédiaire(s) existe(nt) notamment le réalisme. Voudriez-vous nous en simplifier aussila compréhension?
Merci pour votre commentaire ; en effet, il existe différents courants philosophiques qui peuvent influencer la recherche et qui sont par exemple, le réalisme critique, le post-modernisme, le pragmatisme… J’ai préféré simplifier la présentation car c’est souvent présenté de la sorte lorsqu’on entre pas dans les détails. Cela m’a permis de jouer sur les opposés.
Toutefois, il est clair et évident qu’il existe des positions intermédiaires à prendre en compte dans sa réflexion.
Merci pour cet article. Vous écrivez de façon claire et accessible et je me retrouve un peu mieux dans la différence entre ontologie et épistémologie.
Merci pour votre commentaire, c’est très appréciable et m’incite à continuer. Très bonne continuation à vous.
Merci pour vos éclairages et vos talents de vulgarisateurs !
Merci pour votre commentaire !
Je vous remercie pour votre disponibilité et courage de mettre ces connaissances à la disposition de publique lecteur. Aboubacar Dabo , philosophe de formation.
Merci pour votre commentaire.
Bjr Monsieur. Merci pour vos explications
Merci à vous de votre feedback.